OUI pour la retraite

Publié le par Maxime Le Poulichet

 Sujet de dissertation à l’ENSS : « Les causes économiques, sociales, démographiques, politiques etc. qui en France, ont eu une incidence sur  les retraites et sur les catégories de bénéficiaires »


INTRODUCTION

Pendant des siècles, le problème de la vieillesse ne s’est pas posé. Dans la société traditionnelle, l’homme avait sa place au sein de sa famille ou de son clan, jusqu’à son dernier souffle. Les personnes âgées étaient d’ailleurs peu nombreuses, l’espérance de vie étant beaucoup plus courte. Les femmes ne votaient pas. Elles ne revendiquaient pas publiquement. Leur place était à la maison. Chacun avait conscience de ses rôles et responsabilités.  L’ordre établi c’était la famille.


La guerre, la dernière notamment, l’industrialisation et le modernisme ont favorisé l’identité sexuelle et mis fin à cette société majoritairement rurale, où les générations vivaient sous le même toit. La guerre d’abord, par la longue absence des maris et des fils, prisonniers, STO, cachés dans les maquis, résistants, ou ayant rejoint le France libre, donnèrent aux femmes une cohésion sociale inconnue jusque là.  


Cette industrialisation a aussi favorisé la mobilité et l’éclatement des familles. Le mode de vie urbaine est plus individualiste. Les personnes âgées, de plus en plus nombreuses, avec une espérance de vie de plus en plus longue, surtout les femmes. Les personnes âgées forment désormais  une nouvelle classe sociale.


C’est ainsi que la protection sociale « vieillesse » à dû trouver des formes d’expression pour s’adapter à cette évolution démographique, compte tenu de la transformation de la société. Le plus souvent, l’extension des prestations vieillesse ou, l’attribution à de nouvelles catégories de bénéficiaires, avait aussi une cause extérieure ; économique, politique, sociale, etc.


Connaître ces causes, c’est comprendre les mesures adoptées. Il faut se reporter à l’évolution historique, chronologique, de la protection vieillesse pour en suivre les hauts et les bas.?  On peut discerner tout d’abord deux grandes étapes dans cette évolution: « Avant la sécurité sociale » et « Depuis la Sécurité Sociale » Cette approche permet de faire l’inventaire des causes principales qui ont eu une incidence sur l’assurance vieillesse et éventuellement de déceler les causes actuelles qui peuvent être génératrices des prochains changements.


AVANT LA SECURITE SOCIALE

La première notion de protection en France remonte en 1544 avec la création du « grand bureau des pauvres » (période de guerre entre François 1er et Charles Quint) complétée en 1680 par la création des bureaux de charité, devenus bureaux d’action sociale actuels. Cette première forme de protection était considérée comme un devoir de charité chrétienne pour tous et comme un droit pour les plus déshérités. Cette protection empirique permit cependant la création des premiers hospices. On peut retenir ici la notion d’assistance.


Une forme de prévoyance corporatiste est apparue sous Colbert. Une ordonnance du 19 avril 1670 prévoit le premier régime de retraite en France, pour la marine de guerre. Un règlement royal du 23 sept. 1673 met en œuvre un fonds de retraite des marins financé par une cotisation prélevée sur la solde des officiers.


Les idées de protection par prévoyance collective resteront catégorielles sous la révolution avec la création de la caisse des fonctionnaires en 1790


Après l'abolition de la Noblesse et des titres héréditaires en 1791 le principe du droit fondamental à l'assistance est proclamé, mais c’est l’épargne individuelle qui est considérée comme source principale de protection sociale, cependant que l'épargne Prévoyance collective est déjà recherchée parce qu’ayant l'avantage de répartir les risques sur l'ensemble des participants.


Les grandes idées sociales de la révolution se concrétiseront petit à petit, mais toujours de façon catégorielle et corporatiste. Ainsi naîtront la caisse de retraite des mineurs en 1894, la caisse de retraite de la SNCF en 1900 (actualisée sur celle des mineurs en 1909)


La création de la CGT suivra le 28 sept 1895 au Congrès de Limoges


Il est bon de noter aujourd’hui à la veille du référendum de la constitution Européenne que ces lois ont subi l’influence favorable du système social mis en place en Allemagne vers 1883 par Bismark, sous la pression socialiste.


Cependant, la source principale de l’évolution des retraites est économique et sociale.  Car c’est bien le développement de la grande industrie qui a bouleversé les traditions en concentrant le prolétariat dans la misère. Le combat social et les idées socialistes sont partis de là, pour passer de la solidarité familiale à la solidarité collective.


La Loi du 5 avril 1910 créant les Retraites ouvrières et Paysannes est le premier pas vers un régime obligatoire de protection généralisée avec participation de l’Etat pour les salariés agricoles et non agricoles. Cependant le nombre de travailleurs exclus de tout droit à la retraite demeure important (source COR) L’hécatombe de la guerre 14/18 générera un désir de meilleure protection sociale.


Les assurances sociales tant attendues ne verront le jour qu’avec la Loi du 30 avril 1930. C’est le premier régime d'assurance vieillesse obligatoire (effet du 1.7. 1930) pour tous les salariés dont la rémunération annuelle ne dépasse pas 15.000 Frs de l'époque. Certains salariés, dont en général les VRP, s'en trouvent donc exclus. C'était un régime mixte de capitalisation et de répartition La gestion était confiée au choix de l'assuré, aux organismes les plus divers : mutuelles, caisses patronales ou syndicales.


La deuxième guerre mondiale généra aussi de nouvelles aspirations sociales. La création de l’allocation aux vieux travailleurs salariés sous conditions de ressources (loi du 14 mars 41 Pétain) répondait à la forte dépréciation monétaire en France occupée, pendant que de l’autre côté de la manche, le Conseil National de la Résistance, organe politique de la France combattante, se penchait sur le projet de l’assurance vieillesse d’après guerre.


DEPUIS LA SECURITE SOCIALE

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Notre « Sécurité Sociale » doit peut-être son nom à la « Social Sécurity Act » américaine, nom de la politique interventionniste mise en place à l'instigation du président américain Franklin Roosevelt, sous la pression de la nouvelle gauche américaine,  pour lutter contre la crise économique de 1929, dans le but de protéger les personnes âgées contre la misère.

Mais ce sont les références Européennes qui ont marqué la formation de notre Sécurité Sociale. Citons la « charte de l'Atlantique » du 12 août 1941 et le Plan Béveridge déposé en 1942, qui fût, avec la « plan allemand de Bismarck » l'une des sources d'inspiration du Conseil National de la Résistance pour proposer à la France libérée une sécurité sociale humaniste dont le but annoncé était : "d'associer tout le corps social à une entreprise systématique de libération du besoin  créé par l'inégalité, la misère, le chômage, la maladie et la vieillesse"

Le fondement de notre sécurité sociale prend sa source officielle à la Libération par l’ordonnance du 19 10 1945 n° 45-2250. : « plan initialement conçu comme devant s'appliquer à l'ensemble de la population, notamment en ce qui concerne la couverture du risque vieillesse…. » (page 70 du rapport Laroque)

Une loi du 22 mai 1946 devait généraliser cette sécurité sociale à tous les français. Mais cette généralisation à échouée après s’être heurtée aux des réticences conservatrices politique (MRP notamment) syndicale (CFTC) catégorielle (les non salariés, les cadres, le corps médical, les bénéficiaires de droits acquis) et à l’incompréhension publique en général.

On peut énumérer ainsi les causes qui ont le plus influencé notre système de retraite.

L’absence de « consensus social » sur la mise en œuvre du projet de 1945, met en difficulté les plus démunis. Une  « allocation temporaire aux vieux » fut donc instituée à la hâte, en 1945, pour permettre aux personnes âgées sans ressources suffisantes de survivre au sortir de la guerre.

La cause « multiplicité des régimes de retraites et complémentaires » L’absence de consensus social de 1945 a favorisé la diversité des régimes de base et la multiplicité d’accords collectifs complémentaires pour compenser l’insuffisance des retraites de base du régime général. La complexité et les inégalités sont devenus la règle.

La cause « instabilité monétaire » est à l’origine d’une loi du 23 août 1948 qui institue une sorte d’échelle mobile de revalorisation des pensions avec droit aux prestations maladie. Un fonds national de solidarité (FNS) prévu par la loi du 30 juin 1956, complétera les retraites insuffisantes jusqu’à hauteur d’un certain plafond. Un tiers des retraités en bénéficiera, ce qui significatif de l’insuffisance des retraites en France à cette époque.

La cause « politique » des pleins pouvoirs obtenus par le gouvernement de la Vème république pour permettre par décret du 12 mai 1960 d’appliquer des mesures transitoires de simplification, de fusion d’organismes, et surtout d’extension de la « Tutelle de l’Etat » dans la gestion de la sécurité sociale, mais cependant pas dans tous les régimes. La politique cherche évidemment à briser tout front syndical.

La cause « déséquilibre financier de l’institution du régime général »  sera aussi l’occasion de légiférer par ordonnance du 21 août 1967 pour des réformes qui seront ajournées par les événements de Mai 1968.

La « cause démographique » Les progrès effectués en matière de retraite sont-ils sur le point de s'effriter sous la pression du vieillissement de la population et de son poids sur l’économie ? En tout cas, la progression des dépenses retraites a conduit le gouvernement à durcir les conditions d’attribution des pensions du régime général (réforme Balladur en 1993 et indexation des retraites sur les prix et non plus sur les salaires) et (loi du 27 juillet 2003, nombre d’annuités augmentées etc.) »

Les « causes psychologiques » jouent un rôle dans l’évolution des rapports entre l’institution et les assurés. L’humanisation entreprise vers 1960 pour améliorer la qualité des services s’est traduite en Bretagne par la création de permanences d’accueil de proximité,  permettant un contact direct entre technicien de l’assurance vieillesse et l’assuré  A l’expérience, ce contact direct  a souvent permis l’attribution de prestations dont le droit n’aurait pu être décelé dans les rapports épistolaires antérieurs

La cause « retraite selon le sexe ». Les femmes sont de plus en plus nombreuses à prendre leur retraite après un emploi de longue durée. Mais,  peu de recherches sur la retraite menées dans le passé portent sur les activités des femmes liées à la retraite

La cause « Fonds de pension » Le Livre blanc sur les retraites » (1991) les rapports Charpin (1999) et Teulade (2000) celui du Conseil d'orientation des retraites (2001) ont constaté les difficultés croissantes en matière de financement des retraites. Partant, les fonds de pension (loi Madelin) introduisent un régime de retraites beaucoup plus inégalitaires que celles dues à la multiplicité des régimes obligatoires et complémentaires actuels puisqu’ils reposent sur le principe de la capitalisation privée, où les pensions proviennent de l'épargne accumulée durant la vie active. Les hauts salaires sont donc les seuls favorisés en matière de capitalisation. En France, des systèmes par capitalisation existent déjà :

- capitalisation collective dans le cadre de l'entreprise et de régimes facultatifs dits « supplémentaires »

- fonds de pension catégoriels (PREFON pour les fonctionnaires, FONPEL pour les élus locaux)

- contrats de retraite complémentaires pour les professions indépendantes (loi du 11 février 1994, dite loi « Madelin »).

Mais, les rêves de faire fortune en Bourse s’évanouissent à l’annonce des résultats boursiers et donc, les espoirs d’une retraite paisible également.

La cause « syndicale » Si les syndicats n'étaient pas là,  nous n'aurions pas les mêmes moyens de défense face au Patronat et au Gouvernement, et donc pas la même protection sécurité sociale retraite etc. Nous serions toujours encore considérés comme des esclaves, exploités par le patronat.

La cause « Humanisation » se traduit par « l’action sociale » qui est aussi une forme complémentaire de prestation pour aider les retraités dans le besoin.

La cause « Europe » Outre l’inspiration des régimes européens plus favorables, dans le concept de notre sécurité sociale en 1945, il faut savoir que les Etats membres de l'Union européenne, confrontés aux mêmes problèmes démographiques,  ont déjà engagé des travaux sur la viabilité financière et sociale des différents systèmes de retraites

Ce processus d'échanges est piloté par le Comité de protection sociale (CPS), au sein duquel des groupes de travail ont pour mission d'identifier les indicateurs sociaux les plus adaptés à chacun de ces objectifs et d'en permettre le suivi.

Mais, comme en 1945, tout est lié à l’évolution d’un consensus social aujourd’hui européen : OUI ou NON.

CONCLUSIONS  

Il faut bien se rendre à l’évidence, que parmi les causes qui ont le plus marqué à ce jour, les bouleversements et l’évolution des retraites, c’est l’économie, sous la pression syndicale, qui domine.  

C’est l’économie qui a occasionné les transferts de population, les concentrations prolétariennes, le changement des valeurs traditionnelles, l’amélioration des richesses de la nation et des individus. C’est aussi l’économie qui  supporte les charges de la protection du capital humain, dont l’assurance vieillesse.


Mais si c’est la cause sociale, relayée par les syndicats, qui permet de faire avancer ou de sauvegarder nos retraites, c’est souvent de manière corporatiste et inégalitaire. Désaffection syndicale et défaut de consensus ou compromis social et syndical, coince le pouvoir politique entre immobilisme ou  passage en force de ses réformes. Il profite même du déclenchement de grèves qui peuvent rendre les fonctionnaires impopulaires pour lui permettre de poursuivre son projet libéral.


Toute nouvelle politique de la législation vieillesse espérée, annoncée ou attendue ne saurait donc être dissociée des moyens de financement lié au revenu global de la nation. Et ce qui est vrai au niveau de la nation l’est aussi au niveau de l’Europe. Il faudra bien progresser vers plus d’harmonisation des législations vieillesse avec les pays voisins


La cause humaniste est de concilier le vieillissement de la population avec la société et vice et versa. C’est l’aspect occupationnel des retraités, c’est la prise de conscience du public et des intéressés. La conscience collective passe par la conscience individuelle, c’est donc un problème d’information collectif. et individuel, les moyens multimédias existent et peuvent rapprocher les générations grands parents, petits enfants


Les sociologues oeuvrant en gérontologie sociale, ne cachent pas toutefois, que la question de la retraite (et de la vieillesse) stigmatise bien des angoisses et des rêves.                    

                            Maxime le Poulichet


Publié dans Tribunes

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